Décarbonisation des transports

Sommes-nous prêts à convertir l’humble station-service en une station de ravitaillement en hydrogène adaptée à l’avenir?
Auteurs : David Luscombe, Tej Gidda
Hydrogen fueling station

En bref

En raison des restrictions mondiales sur les déplacements dans le contexte de la COVID-19, les transports et la mobilité, qui représentent 57 % de la demande mondiale de pétrole, ont connu une diminution sans précédent au début de 2020.

Sommes-nous prêts à convertir l’humble station-service en une station de ravitaillement en hydrogène adaptée à l’avenir?

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le transport routier dans les régions où des mesures de confinement ont été mises en place a chuté de 50 % à 75 %, et l’activité moyenne mondiale en transport routier a diminué à presque 50 % du niveau de 2019 à la fin de mars 2020.

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À mesure que les pays mettront fin aux mesures de confinement, la population mondiale renouera inévitablement avec sa dépendance aux voitures, mais le secteur des transports devra encore relever son défi de décarbonisation.

En 2019, les émissions mondiales du secteur des transports ont augmenté de moins de 0,05 % (comparativement une hausse annuelle de 1,9 % depuis 2000) grâce à des gains d’efficacité, à l’électrification et à une plus grande utilisation des biocarburants.

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Alors, comment pouvons-nous aider à réellement réduire les émissions liées aux transports?

C’est une question que les planificateurs et planificatrices des transports se posent depuis des décennies, et des progrès importants ont été réalisés en concevant des communautés urbaines qui réduisent les émissions grâce à des modes de déplacement plus efficaces.

Cependant, pour réellement changer les choses, l’avenir de nos transports routiers nécessitera d’utiliser davantage de véhicules plus efficaces, tant à des fins commerciales que pour le transport de passagers. Les véhicules électriques, les véhicules à l’hydrogène et les innovations dans le domaine des biocarburants sont en tête de ces efforts.

L’hydrogène est perçu aujourd’hui comme la source d’énergie propre du futur en raison de sa polyvalence relativement à la production et au stockage d’énergie, au chauffage industriel, à la décarbonisation de réseaux de gaz et, surtout, en en tant que source d’alimentation à zéro émission pour les véhicules.

Une transformation de l’industrie pétrolière et gazière : la possibilité de fabriquer et de vendre de l’hydrogène

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La volatilité constante des prix du pétrole a accéléré le parcours que les grandes pétrolières avaient déjà entamé pour diversifier leurs activités en faveur de produits de base à faible teneur en carbone, comme l’hydrogène, qui s’annonce comme le vecteur énergétique le plus polyvalent et exportable au monde.

Les sociétés pétrolières et gazières se retrouvent donc devant l’occasion de produire et de vendre de l’hydrogène à zéro émission, hautement efficace, pour diverses utilisations finales, y compris le ravitaillement de voitures à hydrogène. Bien qu’il existe un marché à la fois pour les véhicules électriques et à pile à combustible, ces derniers représentent une nouveauté emballante dans la transition énergétique, qui a de vastes applications.

Et même si les voitures à pile à hydrogène et les véhicules électriques à batterie sont techniquement tous deux des véhicules électriques parce qu’ils sont alimentés par un moteur électrique, il y a une différence cruciale entre les deux : les voitures à hydrogène produisent leur propre électricité. Ainsi, contrairement aux véhicules 100 % électriques ou hybrides rechargeables, qui s’alimentent à partir d’une batterie intégrée chargée au moyen d’une source d’énergie externe, les véhicules à hydrogène s’alimentent avec leur propre centrale : la pile à combustible.

Les véhicules à pile à hydrogène doivent tout de même être ravitaillés – ils ont besoin d’hydrogène pompé dans le réservoir de carburant du véhicule, tout comme vous le feriez pour l’essence ou le diesel. Le plein peut être fait rapidement, comme avec l’essence ou le diesel. Et une fois que son réservoir est plein, un véhicule à pile à combustible peut se déplacer aussi loin qu’un véhicule « normal » alimenté par des produits pétrochimiques. Les véhicules à pile à hydrogène ont de nombreux points positifs : peu de polluants (la seule émission des voitures à hydrogène étant de l’eau), peu de bruit, de courts délais de ravitaillement et de longues durées de conduite entre les ravitaillements.

Alors, où est le problème?

Eh bien, il y en a quelques-uns, incluant des défis techniques, réglementaires et commerciaux. Mais du point de vue des infrastructures, le plus grand obstacle à l’adoption plus générale des voitures à hydrogène est le peu d’options de ravitaillement.

À l’heure actuelle, une voiture à moteur à hydrogène est ravitaillée à l’aide de pompes spécialement conçues à cet effet, qui sont encore très peu nombreuses dans le monde. À la fin de 2019, il n’existait qu’environ 40 stations de ravitaillement pour les voitures à hydrogène aux États-Unis, et environ 80 en Allemagne.

En Australie, bien qu’il y ait eu des progrès importants, on en retrouve encore moins d’une dizaine au pays.

Un énorme potentiel s’offre à l’industrie pétrolière et gazière pour réutiliser ou moderniser l’immense quantité de stations-service existantes (servant actuellement à la vente au détail de pétrole et de diesel) afin de répondre à la forte demande future prévue en ravitaillement en des voitures à hydrogène.

La conversion des stations-service pourrait-elle jouer un rôle important pour nous rapprocher du moment où les véhicules à l’hydrogène feront partie de notre quotidien?

Et si des pompes à hydrogène étaient disponibles dans les stations-service ordinaires?

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Voici une idée...

Un concept qui pourrait être examiné de plus près est la fabrication d’hydrogène gazeux directement dans les stations-service existantes, à petite échelle, en utilisant de l’ammoniac (NH3) qui pourrait être stocké en petites quantités sur place, en faisant livrer des fournitures supplémentaires au besoin.

Cette idée comporte un certain nombre d’avantages, notamment :

  • Les actifs existants des stations-service peuvent être modernisés plutôt facilement; le fait d’utiliser la même superficie réduit le problème de devoir trouver de nouveaux emplacements.
  • L’hydrogène gazeux (provenant de l’ammoniac) pourrait être produit toutes les 24 heures sur place (la nuit et en dehors des heures de pointe), de sorte que seule une petite quantité serait nécessaire chaque jour. De cette façon, il pourrait être stocké en toute sécurité et nécessiter moins d’énergie pour le maintenir stable.
  • L’énergie utilisée pour fabriquer l’hydrogène pourrait être produite sur place à partir de sources renouvelables (par exemple, des panneaux solaires) pendant la journée et être stockée dans une batterie.
  • Si une électricité supplémentaire est nécessaire, elle peut être puisée dans le réseau. Pendant la journée, l’électricité excédentaire produite sur place à partir d’énergies renouvelables pourrait être revendue au réseau, ce qui ferait de la station-service une installation carboneutre pour le propriétaire.
  • La production d’hydrogène à partir d’ammoniac sur place est très efficace, car une grande quantité d’hydrogène peut être fabriquée à partir d’un seul réservoir d’ammoniac. De plus, il est plus sécuritaire de produire l’hydrogène directement à la station-service plutôt que de le transporter à partir d’un autre lieu de production. L’entreposage et le transport par camion de l’ammoniac sont maintenant des pratiques courantes et sécuritaires.
  • Ces sites autonomes n’imposent aucune demande supplémentaire au réseau électrique.

Bien que l’avenir soit encore incertain, les sociétés pétrolières et gazières incorporeront l’hydrogène de nombreuses différentes manières dans le bouquet énergétique, et à notre avis, la vente au détail pourrait n’être qu’un des aspects clés du processus.


Qui sait, peut-être qu’un jour, faire le plein d’hydrogène dans nos voitures à la station-service pourrait faire partie de notre quotidien.

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